Poèmes
CÉSAR VALLEJO ( Santiago de Chuco, Perú 1892 – Paris 1938)
Il est des coups dans la vie, si forts... Comment
dire ?
des coups comme la haine de Dieu;
comme si devant eux le ressac de la souffrance
s'enfouissait dans l'âme... Comment dire?
Ils sont rares, mais ils sont... Ils ouvrent des
tranchées noires
sur le visage le plus dur, sur le dos le plus fort.
Peut-être est-ce les chevaux d'Attilas barbares;
ou bien les héraults noirs que nous envoie la
Mort.
Ce sont les chutes profondes des Christs de
l’âme
d’une adorable foi blasphémée du Destin.
Semblables coups sanglants sont les
crépitements
à la porte du four, brûlé, de notre pain.
Et l'homme... Le pauvre... le pauvre! tourne les
les yeux
comme quand à l'épaule on nous donne une
tape ;
il tourne des yeux fous, tout ce qu'il a vécu
s'enfouit, flaque de peine, au fond de son
regard.
Il est des coups dans la vie, si forts... Comment dire?
Les héraults noirs (1919)
Le temps Le temps
Midi stagnant au milieu des relents.
Pompe lasse de caserne qui vide
le temps le temps le temps le temps.
C'était C'était
Coqs qui chansonnent qui grattent en vain.
Bouche du jour lumineux qui conjugue
Demain Demain
La chaleur du repos encore d'être.
Pense le présent et garde-moi pour
demain demain demain demain.
Le nom le nom
Comment s'appelle tout ce qui nous blhérisse?
Ça s'appelle La-même-chose qui subit
le nom le nom le nom le noM.
Trilce (1922)